Juste quelques mots pour ne pas perdre l'habitude. Il se déroule, par exemple, ces derniers jours, dans notre courrier familial, une intéressante conversation sur les fortunes que les gouvernements injectent aux banques pour les sauver de la faillite. Il se'n dérive toute sorte de réflexions sur le retour au troc, sur la distribution équitable des ressources, sur le mirage du capital qui essaye de soutenir l'insoutenable. Pendant ce temps j'observe, dans la route de Tata, aux bords du Sahara de nouveaux nomades qui migrent par dizaines de miliers, et peut-être même quelque centaine de milles (j'aimerais bien savoir le nombre aproximatif). Ce sont les retraités européens, avec leurs grandes caravanes tout confort, qui passent, et passent, et passent encore, à pas en finir de passer. Italiens, français, hollandais, allemands, ils/elles passent avec leurs shorts et leur air de touriste pommé. "Ce ne sont pas des touristes - me disent les gens du pays - ils n'achètent que de l'eau minérale et des tomates". Curieux phénomène. Ils campent aux alentours des villes et des villages, en grands cercles qui rappellent les colons du far-west. Ils voyagent en groupes et ne s'intègrent pas du tout, même que je les entends se foutre du peuple, avec leurs airs de grandes dames, grande misère, et grands messieurs à grandes bedaines, pauvres bougres... J'entend dire qu'ils viennent chaque année.
Et Isham, mon ami nomade à Tata, raconte les histoires de sa tribu. C'est le premier diplomé de chez lui. Il est antropologue, mais porte, en hiver, une boutique d'artisanat local; en été, il migre dans le désert et les montagnes avec la famille et les troupeaux. Les sources de richesse de la tribu sont deux: la terre et la guerre. La tortue est le symbole du féminin. Le chef doit être un grand guerrier, mais j'apprends que la très ancienne coutume veut que ce soit la femme qui transmmette le pouvoir, le déléguant à son mari... Je trouve ça très normal, naturel, logique et souhaitable. La femme berbère continue de maintenir de très fortes et nombreuses liaisons sociales. Elle brave, avec l'aide et le soutiens de son mari, la sharia islamique, quand celle-ci compromet les fondaments de la culture. De l'autre côté la loi des hommes se résume dans le principe: "Moi contre mon frère, moi et mon frère contre mon oncle, et moi et mon frère et mon oncle contre tout le monde". C'est cru, dur, sans trop d'espoir. Il me vient à la tête une discussion avec ma tante Maria, qui est très sage mais un peu arabophobe. Elle disait que c'est d'éviter ce tous contre tous qui a donné le pouvoir à l'Occident... Peut-être, mais l'homme continue d'être un loup pour l'homme, même s'il est blanc. Ensuite je me souviens de mon père quand il me disait que la vraie démocracie casse l'ordre naturel, qui est plutôt fasciste sur les bords. Nous sortons donc, joyeuseument, de l'ordre naturel pour plonger et faire trempette dans un grand vide, dans le lac de l'énigme, de l'espoir, de l'amour? Et pourquoi cette ville si tranquille, si calme avec son flux de vélos, mobylettes, charrettes et de femmes aux longues robes doit-elle être prise comme ça par la police, qui est dans tous les coins ou il n'y à pas l'armée, ou les auxiliaires ou les gendarmes...
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